At the root of La vie silencieuse lies a fascination: that of Cécile Davidovici and David Ctiborsky for the still lifes of Giorgio Morandi, for his ability to make silence, the almost nothing, vibrate. To them, Morandi's attention to things and light, his repetition and minimalism, take his still lifes to a metaphysical level.

They asked themselves: how do you make still lifes today? What does it mean to observe an object, a fruit, a flower, in a world of commodities where technology generates so much distance and abstraction? What if that little studio room of Morandi's, this table, these objects and this light no longer really exist, swept up in the torrent of technology?

The two artists' approach is to start with the coldest, most abstract, most technological of objects and, at each stage, to gain intimacy and flesh. In the end, they hope, the objects will be so present, the real will be so real, that life will spill out from Cécile Davidovici's threads.


David Ctiborsky first works in a virtual studio, where he composes and digitally lights the scenes. He creates sets and models certain objects, but also "hunts" for 3D models of fruits and flowers on the Internet. These models are generally intended for interior design previews and kitchen catalogs. They were once real, living beings, but their appearance was inevitably standardized in order to be scanned and sold on the Internet. How can we bring them back to life? David Ctiborsky first seeks to revive them through careful composition and the caress of virtual light. At first he works under the influence of hyperrealist painter Ralph Goings and the deafening silence of his objects captured in roadside fast-food restaurants. But, almost in the same gesture, he forgets the photographic tradition from which hyperrealism draws its inspiration in favor of the pictorial tradition, thinking of Chardin, Juan Sánchez Cotán or Caravaggio.

Childhood memories find their way into the compositions, and a dialogue begins between modern and classical subjects. Plants are surrounded by minerals and manufactured objects. A plastic cup, a popular utensil from the age of obsolescence, sits alongside a stone on a broken plate. In other compositions, we encounter recording and playback devices: a VHS cassette in Souvenirs sur un drap mauve, an old cathode-ray television set in La vie silencieuse. In this last composition we find the only "human" presence in the entire series: the face of a sleeping statue seen through a screen. Silence still reigns, nothing has happened. The ultimate gesture, the ontological leap and the culmination of the process happen under the fingers of Cécile Davidovici, who brings the compositions to life through thread.


Letting herself be carried away by the spontaneity and expressiveness of her gestures, Cécile Davidovici sees the image come to life before her eyes: the transition from virtual to tactile is a birth. She uses an embroidery technique that she created and developed in previous years for portraits. Transposing this technique to objects for the first time, she embroiders them like faces. The interwoven-thread technique offers a slightly different perception, depending on the light and the angle of view: the work is never static, and things never cease to be expressive.

They are even endowed with an unsettling warmth: when we touch a fabric, we feel our own warmth, and it is this ancestral evidence of the tactile relationship with fabric that Cécile Davidovici has been exploring since the beginning of her career. To create works that are not meant to be touched, but to be seen: Cécile Davidovici always maintains a discreet, slightly nostalgic distance that, at the same time, sustains the warmth of desire. Fabric that calls, fabric that reminds, fabric that protects.

Cécile Davidovici and David Ctiborsky exorcise an anguish, that of a world without humanity, without life, without desire, that of a silent world.
In a way, they propose an eroticism of things; nostalgic and restorative.

about

À l’origine de La vie silencieuse, une fascination : celle de Cécile Davidovici et David Ctiborsky pour les natures mortes de Giorgio Morandi, pour sa capacité à faire vibrer le silence, le presque rien. Selon eux, l’attention aux choses et à la lumière, la répétition et le minimalisme portent ses natures mortes à un degré métaphysique.

Ils se sont posé la question : comment faire des natures mortes aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’observer un objet, un fruit, une fleur, dans un monde de marchandises où la technologie suscite tant de distances et d’abstraction ? Et si cette petite chambre atelier de Morandi, cette table, ces objets et cette lumière n’existaient même plus dans la réalité, emportés dans le torrent technologique ?

Le procédé des deux artistes consiste alors à partir du rapport à l’objet le plus froid, le plus abstrait, le plus technologique pour, à chaque étape, gagner de l’intimité et de la chair. Ils espèrent qu’à la fin, les objets seront si présents, le réel sera si réel que la vie débordera des fils de Cécile Davidovici.


David Ctiborsky travaille d’abord dans un atelier virtuel, où il compose et éclaire numériquement les scènes. Il crée les décors et modélise certains objets mais aussi, il « chine » des modèles 3D de fruits et de fleurs sur internet. Ces modèles sont généralement destinés aux prévisualisations de décoration d’intérieur et aux catalogues de cuisines. Ils ont été des êtres réels et vivants mais inévitablement standardisés dans leur apparence pour être scannés et vendus sur Internet. Comment leur redonner vie ? David Ctiborsky cherche d’abord à les ranimer par l’attention de la composition et les caresses de la lumière virtuelle. Il démarre sous l’influence du peintre hyperréaliste Ralph Goings et le silence assourdissant de ses objets saisis dans des fast food routiers. Mais, presque dans le même geste, il oublie la tradition photographique dont s’inspire l’hyperréalisme au profit de la tradition picturale, pensant à Chardin, Juan Sánchez Cotán ou le Caravage.


Des souvenirs d’enfance se fraient alors un chemin parmi les compositions, un dialogue s’engage entre les sujets modernes et classiques. Les végétaux sont entourés de minéraux et d’objets manufacturés. Un gobelet en plastique, vaisselle populaire de l’ère de l’obsolescence, côtoie une pierre sur une assiette brisée. Dans d’autres compositions, on rencontre des dispositifs d’enregistrement et de restitution : une cassette VHS dans Souvenirs sur un drap mauve, un vieux téléviseur cathodique dans La vie silencieuse. Dans cette dernière composition, la seule présence « humaine » de toute la série : le visage d’une statue endormie vu à travers un écran. Le silence règne encore, rien n’est advenu. Le geste ultime, le saut ontologique et l’aboutissement de la démarche se trouvent sous les doigts de Cécile Davidovici, qui fait vivre les compositions par le fil.

Se laissant porter par la spontanéité et l’expressivité du geste, Cécile Davidovici voit s’animer l’image sous ses yeux : le passage du virtuel au tactile est une naissance. Elle applique une technique de broderie qu’elle a créée et développée les années précédentes pour des portraits. Transposant pour la première fois cette technique aux choses, elle les brode comme des visages. La technique des fils entrecroisés offre une perception légèrement différente en fonction de la  lumière et de l’angle de vie : l’œuvre n’est jamais figée, les choses ne cessent d’être expressives.
Elles sont même dotées d’une chaleur troublante : lorsque nous touchons un tissu, c’est notre propre chaleur que nous ressentons, et c’est cette évidence ancestrale du rapport tactile au tissu qu’explore Cécile Davidovici depuis le début de sa carrière. Pour créer des œuvres destinées non pas à être touchées, mais à être vues : Cécile Davidovici pose toujours cette distance pudique, un peu nostalgique et qui, en même temps, entretient la chaleur du désir. Tissu qui appelle, tissu qui rappelle, tissu qui protège.


Cécile Davidovici et David Ctiborsky exorcisent une angoisse, celle d’un monde sans humanité, sans vie, sans désir, celle d’un monde silencieux.
Ils proposent en quelque sorte un érotisme des choses, nostalgique et réparateur.